Pour commencer la critique de Comet girl, notons que c’est un shonen de la mangaka Akase Yuriko qui a été publié entre 2015 et 2018, originellement d’une durée d’une dizaine de pages, l’histoire a finalement été développée et reliée sous l’impulsion de l’éditeur.
Un style typique
Le manga est dans un style typique des années 80, avec des séries telle qu’Albator. ça se voit aussi bien avec le style de dessin qui est très daté qu’avec les personnages ou les tropes narratifs. Le style est tellement maîtrisé que lors de ma première lecture, alors que je ne m’étais pas du tout renseigné sur le manga, j’ai été franchement surpris de la date de parution.
En effet, le seul élément qui me paraît étrange pour un manga de la fin du 20e siècle est le traitement de la robotique. Le fait que les robots soient capables de quasiment tout, mais que ce soit leur intelligence qui pose problème, est une façon actuelle de traiter ce sujet ancien.
Une histoire maîtrisée
Je pense pouvoir lister tous les éléments narratifs et indiquer à chaque fois qu’ils ne sont pas surprenants mais bien faits. Le peu d’intérêt de cette entreprise me pousse à vous l’épargner, cependant le fait que j’aie cette possibilité révèle l’un des plus gros points forts de ce manga.
L’histoire suit strictement le développement classique de son style mais temporisée de telle sorte que l’on ne trouve pas le temps long. En effet, chaque rebondissement s’enchaîne fluidement, et le combat du vaisseau au tome 2, qui pourrait être long, change rapidement de point de vue, ce qui garde le lecteur en haleine.
Un reste de sexisme
Certains trouveront peut-être étrange que j’aie trouvé du sexisme dans cette œuvre, cependant deux éléments sont, certes tout à fait dans le style de l’époque, mais également vecteurs de pensée patriarcale, et je soupçonne que la mangaka ne s’en soit pas rendu compte. Ce qui le rend d’autant plus digne d’être signalé.
Ces éléments sont, premièrement, que l’héroïne perd ses pouvoirs, et deuxièmement, qu’elle vient vivre sur Terre. Dit comme ça, il n’est pas évident de parler de sexisme, laissez donc-moi développer.
Les vies des héros
Le fait que l’héroïne perde ses pouvoirs est un moyen d’éliminer les menaces extérieures en justifiant qu’elle ne soit plus poursuivie. Cependant, l’effet annexe est d’inverser la tendance du couple : l’homme devient dominant par défaut, du fait de son emploi et de ses relations.
De plus, les deux viennent vivre sur Terre, ce qui est assez étrange puisque l’héroïne a une vie nomade, et le héros, bien qu’il soit sédentaire, est attiré par l’espace — c’est même la première information qu’on a de lui. Il serait donc plus logique que les deux embrassent une vie nomade.
Ce que ça implique
En soi, ces choix sont réalistes et restent cohérents, ils ne devraient donc pas poser de problèmes. En effet, ce que je reproche n’est pas les représentations en tant que telles mais la surreprésentation. Cela fait des siècles, voire des millénaires, que les arts font beaucoup plus état de relations de couple déséquilibrées ou tout du moins instables en faveur de l’homme.
C’est bien sûr le reflet de la réalité des cultures où le patriarcat est dominant. Cependant, puisque le sexisme est désormais principalement inconscient chez la majorité de la population (en tout cas le public de ce type d’œuvres), ce biais a pour conséquence la reproduction de ces relations déséquilibrées.
Ce ne sont donc pas, finalement, ces choix narratifs que je reproche, car ils sont bel et bien cohérents dans cette recherche de style, mais il me semble que modifier deux éléments paraîtrait diversifier les représentations sans pour autant dénaturer l’œuvre. Il est de toute façon toujours utile de prendre conscience de ce genre de biais, quel que soit notre avis sur leur pertinence.
Choses intéressantes à noter
On peut remarquer que les hors-la-loi ne sont pas représentés comme tels. Puisque les gouvernements ne sont utilisés que comme miroir de la société terrienne et pas comme une autorité, les hors-la-loi ne s’opposent à aucune loi.
Ils sont seulement les vecteurs du fantasme de la liberté avant tout, où ils peuvent prendre les rôles d’ennemis comme de méchants à volonté, sans être soumis aux obligations sociales.
C’est d’ailleurs encore une fois totalement cohérent avec la recherche de style que cette œuvre opère.
Question de date
Il me semble que la répartition des éléments historiques dans les fictions est toujours intéressante à réfléchir et peut toujours véhiculer des informations importantes. Ici, la seule date importante est le choix des 300 ans depuis l’interdiction de l’IA.
Je trouve cette date intéressante car elle a pour objectif de justifier l’oubli de cet événement, et que les dates de ce type ont souvent tendance à être démesurément éloignées une fois rapportées à notre temporalité. À première vue, c’est aussi le cas pour celle-ci.
Le manga est sorti vers 2015, revenir 300 ans en arrière nous fait revenir à la fin du règne de Louis XIV. Si on part des années 80 pour le style du manga, on tombe au milieu du règne du Roi Soleil. Vu comme ça, il paraît insensé qu’un gouvernement cache des informations si longtemps. Pourtant, cette date est étonnamment bien choisie.
En effet, il existe bien un événement qui laisse encore des traces géopolitiques et dont les États ont du mal à reconnaître les conséquences. Il s’agit de l’explosion de l’esclavage des populations africaines par les puissances d’Europe occidentale, cristallisée par le commerce triangulaire.
Il n’est bien sûr absolument pas sûr que ce soit une référence consciente, d’autant plus que le Japon est très éloigné de cette partie de l’histoire. Pour autant, il est toujours intéressant d’enrichir sa compréhension du monde qui nous entoure grâce aux histoires, quelles qu’elles soient.
Toujours continuer a réfléchir sur tout
J’espère que cette critique de Comet girl vous aura permis d’enrichir votre réflexion, même sur une œuvre qui a pour but de faire passer un bon moment plus que de devenir un classique. Car la clairvoyance se construit et se développe partout grâce aux réflexions. Si vous voulez continuer ces réflexions je vous invite a regarder les commentaires et a chercher d’autres articles.